Devenir pilote

J’avais 16 ans quand j’ai commencé à me renseigner sur le métier de pilote de ligne, c’était en 1999. J’avais pris l’avion 5 ou 6 fois dans ma vie. Je serais incapable de vous dire sur quels avions c’était. Mais alors, pourquoi ? Il y avait l’image que je m’en faisais, puisée dans l’imaginaire collectif : voyager, être en horaire décalé, ne pas connaître la routine, bien gagner sa vie. Et il y avait l’envie de faire partie d’un monde qui bouge et de rencontrer des gens de tous horizons. A cela, j’ai rapidement attrapé le virus de l’aviation, que je n’ai pas perdu depuis.

Nous ne trouvions pas autant d’informations sur internet à l’époque. J’ai alors essayé de rencontrer le voisin de mes grands-parents, Eric, qui était déjà commandant de bord dans une compagnie disparue depuis : Air Méditerranée. Il m’a détaillé les différentes licences qu’il fallait acquérir pour piloter un avion, voler aux instruments, être rémunéré et travailler en équipage (je détaillerai cela dans les futurs blogs). Sans oublier la théorie bien sûr avec les fameux certificats de l’ATPL (Airline Transport Pilot Licence). Pour être honnête, malgré mes notes, cela me paraissait encore flou, mais il a terminé la conversation par “Tu es jeune, essaye L’ENAC et les Cadets, tu auras le temps de penser au reste après.” Et aussi “pense à mettre les fesses dans un vrai avion à l’occasion, ce serait pas mal de vérifier que tu aimes ça” . La semaine d’après ma mère m’offrait un baptême de l’air à Lognes. 20 ans après, je n’ai pas oublié ce décollage.

Conseil #1 : vous êtes passionné d’aviation, mais n’oubliez pas que voler implique de rencontrer des situations diverses : gérer une mauvaise météo, la fatigue et les décalages horaires, un passager turbulent et enchainer des vols difficiles. Avant d’en arriver là, vérifiez que vous aimez être assis dans un petit avion, ressentir les vibrations de la cellule et les turbulences incessantes…

2001, le bac en poche avec mention, je commence une classe préparatoire à St-Louis dans Paris. Superbe prépa, parmi les meilleures de France. Un après-midi, sur le chemin du retour, je découvre la nouvelle. Nous sommes le 11 septembre… Certains auraient pensé s’arrêter là et changer d’orientation. Mais non, malgré le choc mondial, j’avais la conviction que les pilotes seraient encore utiles et je savais que ma formation serait encore longue, suffisante pour absorber la crise.

Conseil #2 : avec la crise covid actuelle, beaucoup de jeunes me demandent s’ils auront une chance un jour de réaliser leur rêve de devenir pilote. Il n’y a pas de réponse, il y a juste des choix. Quand vous choisissez votre orientation vous faites un pari. Un pari sur votre vie, sur votre carrière. Comme tous les paris, vous pouvez tout gagner comme tout perdre. L’entière satisfaction que vous aurez si vous réussissez sera d’autant plus savoureuse. L’échec, qui, en outre, sera formateur, sera dû à votre décision. Les anciens parlent de crises cycliques. Ils ont connu, les crises du pétrole, de la guerre du golfe, du 11 septembre et la crise financière de 2008, avec toujours un retour à la normale voire à la croissance. Celle du covid est à peu près 10 fois supérieure à toutes ces crises… réunies! Le transport mondial va continuer sa transformation, sans parler de l’avènement de l’intelligence artificielle. Cela reste avant tout votre décision. Un pilote est amené à prendre des décisions en permanence, à s’y tenir et à regarder devant. À 900km/h vous n’avez pas le temps de regarder derrière. 

Assez rapidement, je quitte la prépa, me rendant compte que celle-ci est plus adaptée aux jeunes visant polytechnique, Normale Sup ou les Arts-et-métiers. Bien que prestigieuses, ces écoles ne me permettront pas de réaliser mon rêve à court terme. Je découvre alors une formation scientifique à l’université Paris 7 qui, en plus d’avoir un programme proche de celui des concours de prépa, propose un module « mécanique du vol ». Ce module est animé par Patrick Huet, mathématicien émérite et grand passionné d’aviation. Cerise sur le gâteau, le deuxième semestre propose une mise en pratique avec des cours de planeur chaque semaine à l’aérodrome de Mantes Chérence. Mes premières heures de vols seront sous l’instruction de Denise Cruette, c’est elle qui m’enseignera la finesse du pilotage requise en planeur. Puis il y aura ces moments où vous êtes heureux en l’air. Où, passé le stress et l’adrénaline des premiers décollages en remorquage, vous comprenez que c’est un plaisir. Une liberté de plus.

Au planeur vous n’aurez pas la classe, mais vous vivrez vos meilleures expériences aéronautiques.

Au planeur vous n’aurez pas la classe, mais vous vivrez vos meilleures expériences aéronautiques.

Premier décollage.

Premier décollage.

Subventionné en grande partie par l’université et la Ville de Paris, c’est alors une opportunité unique de pouvoir voler et de pouvoir obtenir ma licence de pilote planeur. Il faut se replacer dans le contexte, nous sommes en 2002, je jongle entre l’université et un emploi chez Décathlon pour payer le loyer de mon 17m2 à gare de l’est. J’échoue aux écrits de l’Enac une première fois, probablement car une partie du programme était abordée plus lentement à l’université. Puis je tente les Cadets d’Air France où j’échoue aux tests psychotechniques encore plus lamentablement. En effet, j’ai été convoqué 10 jours avant et cela tombait presque en même temps que mes examens. Je révisais donc les 2 à la fois. 

Conseil #3 : à vouloir être partout, nous sommes souvent nulle part. Vous avez pris une décision et vous voulez vous y tenir. Fixez-vous des objectifs, focalisez-vous sur l”essentiel et essayez d’éliminer de votre vie ce qui vous en empêche.

La sentence est ferme : éliminé des sélections Air France. Nous avions un débriefing à cette époque, je me rappelle encore cette phrase : “Vous aurez le droit de revenir au bout de 3 ans avec 1000 heures de vol, sinon si vous réussissez l’Enac, cela effacera cette condition. Vous savez ce qu’il vous reste à faire ? “, “Oui monsieur”. Je comprends alors une chose : si c’est ce que je veux faire, si j’en ai vraiment les capacités, je ne veux plus laisser passer ma chance. Il me reste quelques mois avant le concours Enac, je quitte mon emploi chez Decathlon et je passe mes journées à la bibliothèque de l’université où il y a le graal : les annales de tous les concours de l’Enac. Je me prépare aussi comme je peux aux autres épreuves, aux entretiens et à l’anglais. 

 Le jour du concours, je suis prêt, je n’ai pas de regret. 

La suite dans le prochain blog.

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Septembre 2017, 1er atterrissage à Tokyo aux commandes d’un Boeing 777-300 d’Air France. Long aura été le chemin jusque là.

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